
En ce mois de juillet un peu pluvieux, j’ai lu le livre que mon écureuil préféré m’a recommandé de lire, à corps et à cris. Squirelito est de bons conseils !! Je vous ai déjà dit ça non ?? Allez donc voir son blog…
Bref, me voilà parti avec Alfred de Montesquiou en Syrie, que je ne pensais jamais fréquenter, ni la Syrie, ni Alfred de Montesquiou par ailleurs. « L’étoile des frontières” son roman paru cette année, chez Stock, nous aide à franchir les lignes et nous apprend tellement sur ce conflit qui parfois nous dépasse. Ce livre est une merveille de lecture. L’écriture est belle, fine, ciselée, l’histoire est profonde, très humaine et les personnages de ce roman sont particulièrement attachants.
J’ai voulu en savoir plus et j’ai demandé à Alfred de Montesquiou s’il accepterait de répondre à quelques-unes de mes questions. Je dois avouer que sa simplicité et sa gentillesse m’ont beaucoup touchée. Il a accepté de bonnes grâces et nous avons eu un très bel échange.
Voici donc le résultat de cette rencontre :
Alfred, merci d’avoir accepté cet échange et merci pour ce 1er roman qui est une véritable pépite !! Je sais que vous écrivez des articles dans le cadre de votre travail de reporter de guerre, mais écrire un roman ce n’est pas tout à fait la même chose, je dois vous dire que le vôtre m’a profondément touchée et émue.
Pouvez-vous me dire si votre roman est un prétexte à l’Histoire ou l’Histoire un prétexte au roman ??
En fait c’est un roman qui s’inspire de beaucoup d’événements réels, mais c’est un véritable roman ! ça agrège des histoires réelles qui ne se sont pas déroulées forcément au même endroit et pas forcément dans cet ordre-là, mais ça donne du sens au réel à travers une fiction. Ce n’est pas autobiographique. Parfois je fais intervenir des personnages réels, par exemple Olivier qui était un ami. (Olivier Voisin, mort en Syrie), je le fais interagir avec Farid qui est une fiction pure.
Ce Farid est un beau personnage de roman.
Oui il s’inspire d’un personnage réel qui est djihadiste, mais que je n’ai jamais rencontré, je lui ai d’ailleurs donné mon nom, car Alfred en arabe c’est Farid. C’est un personnage très humain.
Pourquoi spécifiquement la Syrie et non pas l’Irak ou le Liban ?
D’abord parce que c’est là qu’est mort mon ami, Olivier Voisin, mais aussi parce qu’en Syrie ce n’est pas une guerre civile comme les autres. C’est une guerre qui concentre les énergies de toutes les autres guerres, non seulement par ses combats, mais aussi par la multitude des armées présentes.
Votre livre m’a donné envie d’en savoir plus sur cette guerre dont finalement on ne sait pas grand-chose, j’ai donc cherché à me documenter.
C’est très gentil de me dire ça, car il fallait faire attention en l’écrivant à ne pas faire un livre de journalisme, mais que ça reste un roman, mais si ça peut aider à comprendre ce qui se passe, j’en suis heureux.
J’ai trouvé que c’était également un livre sur le courage et la fraternité, les 4 protagonistes sont liés ensemble chacun pour des raisons différentes et le fait d’être dans un contexte de guerre resserre encore plus leurs liens.
Oui je suis tout à fait d’accord avec vous, c’est aussi ce que j’ai voulu montrer.
Je voulais savoir si dès le départ vous saviez où vous vouliez aller dans ce roman et ce que vous vouliez qu’il advienne de vos personnages ?
La notion d’amitié, de fraternité c’était l’un des propos que j’avais envie de raconter et qui me tenaient à cœur, cette espèce de fraternité magique de la zone de guerre qui crée des liens incommensurables. Je souhaitais dès le départ lui donner cet aspect, expliquer ce qui se passe entre les hommes dans ce contexte compliqué. Mais en fait, je n’avais pas prévu la fin comme ça. Je n’avais pas prévu par exemple que Neijma émergeait comme la figure d’espoir de ce quatuor, ce qu’elle n’a pas l’air au début, mais elle prend de l’ampleur petit à petit. Pour moi, au départ c’était un personnage sombre et ambigu, mais à la fin elle se révèle une étoile…
Ha c’est horrible, on a tellement envie de savoir ce qu’ils deviennent ensuite !
Il faut l’imaginer !
Reporter, ça vient de rapporter ce que l’on voit, ce que l’on vit et je souhaitais savoir ce que vous, vous rapportiez de la Syrie ?
Je rapporte de la Syrie, ce que j’ai un peu voulu mettre dans le livre, l’aveu d’échec absolu de l’humanisme. On a quand même laissé faire en Syrie des massacres à l’arme chimique, donc on a renoncé à notre droit d’intervention et notre droit d’ingérence. Le droit d’ingérence, on peut considérer qu’il a été enterré en Syrie. Quand on rapporte, on rapporte du sable qui vous coule entre les doigts et là, écrire un livre “scriba manent” c’est faire en sorte que les choses soient gravées dans le marbre et je peux enfin les oublier.
Dans ce livre, je trouve que le rythme est complètement dingue, les actions, les réflexions, tout va très vite et avoir ce sens du rythme dans le cadre d’un premier roman est assez rare. Alfred, il faut continuer à écrire !!! Je sais que vous avez écrit des articles pour des journaux, des magazines, mais qu’est-ce qui fait qu’on passe un jour de l’article au roman ??
C’est tout simplement, comme je vous le disais, parce que l’article est très périssable et mon ambition c’était que le roman soit plus pérenne, pour que l’histoire de l’Histoire traverse un peu le temps. Par le roman, on atteint l’émotion, ce que l’on ne fait pas dans un article, où alors bien différemment. L’actualité contient une date de péremption, le livre non.
Pour en revenir à l’écriture, avez-vous un mot qui vous donne du fil à retordre, un mot sur lequel vous hésitez toujours avant de l’écrire ??
Je suis un peu dyslexique donc dès qu’il faut doubler les consonnes c’est compliqué, comme “balade” ou “colonne ». Il faut que je l’écrive pour m’en souvenir.
Avez-vous un rituel d’écriture ? écoutez-vous de la musique par exemple ??
Non, j’essaie de me mettre dans le silence total et j’écris le matin. J’écris vraiment mieux le matin. Après, en tant que journaliste j’ai écrit de partout, dans des hélicoptères, dans des avions, sur des bateaux, etc. maintenant en tant qu’écrivain, j’ai la chance d’avoir un petit bureau où je peux m’isoler. C’est un endroit dans lequel je me sens bien pour écrire. En revanche, ce que je n’arrive pas à faire c’est osciller du lobe gauche ou du lobe droit toutes les heures ou toutes les deux heures. C’est à dire d’écrire une heure dans une matinée et faire autre chose ensuite et puis revenir écrire trois heures après, ça je ne sais pas le faire. Soit, je fais la matinée d’écriture, soit, pas, mais je n’entrecoupe pas. J’avais auparavant des problèmes de concentration, mais je ne sais pas si c’est le fait d’avancer ou pas, mais le processus d’écriture est plus précis qu’avant.
Avez-vous un livre qui a marqué votre enfance, votre jeunesse ?
J’ai été très marqué par le “Lion” de Kessel lorsque j’étais jeune ado et par “Crin blanc” d’Albert Lamorisse et surtout, surtout par “Corto Maltese” d’Hugo Pratt. C’est vraiment un appel au large. J’ai également été très touché par Nicolas Bouvier.
Pourriez-vous me donner 5 mots qui sont importants pour vous ?
Liberté, honnêteté, écriture, joie, intelligence et s’il en fallait un 6e, je dirai “humour”, mais c’est presque synonyme pour moi !
Je vous remercie beaucoup pour votre gentillesse et pour ce roman magnifique, vivement le prochain !
Merci à vous Florence.
