Gonzague Saint Bris, l’éternel romantiqe !

Qui se souvient de Gonzague Saint Bris ? Cet écrivain haut en couleur, fantasque, enjoué et éternel adolescent est né en Touraine, à Loches en 1948. Il ne quitta jamais vraiment cette région qu’il adorait sauf lorsqu’il séjournait à Paris dans son incroyable appartement parisien du 5 rue Pelouse dans le 8ème arrondissement. 

J’ai « rencontré » Gonzague Saint Bris à travers son livre « Le romantisme absolu » (paru chez Stock) alors que j’étais étudiante. Un de mes professeurs que j’aimais beaucoup, m’a conseillé d’acheter ce livre et de le lire un crayon à la main…ce livre est resté dans ma vie d’appartement en appartement, jamais très loin de ma main et j’y reviens de temps en temps, pour un mot, une page…à travers ce livre, j’ai appris Flaubert, Goethe, Chateaubriand, Hugo, Wagner, Baudelaire, Stendhal, Chopin, Dostoïevski, Rimbaud et Verlaine, Byron et Shakespear etc. Tout un monde littéraire s’est ouvert à moi. J’avais 18 ans. Je n’ai jamais assez remercié ce professeur, j’aurai dû.

Gonzague Saint Bris est d’un autre temps, il a créé en 1978 l’Académie romantique (créée avec Patrick Poivre d’Arvor, Brice Lalonde, Francis Huster, Étienne Roda-Gil et Frédéric Mitterrand en 1978). Il devient alors “le dandy” de la littérature française, une image qui le poursuivra et qui, au fond, il aimera parfois cultiver. Mais Gonzague est tout sauf oisif ! Il écrit, beaucoup, beaucoup et lorsqu’il meurt dans un tragique accident de la route en août 2017, il nous laisse une cinquantaine d’ouvrages entre romans, essais, biographie etc…

On peut regretter le mépris dont il fut l’objet par tout un microcosme littéraire parisien qui le prenait de haut, le traitant de mégalo, ce dont d’ailleurs il avait fait, par provocation, le nom d’une radio créée en 1981 du nom de “Mega l’O”. Il reconnaissait à demi-mot qu’il l’était mais il s’en amusait avant tout. Lors de sa mort beaucoup encore avait la parole verte. Pour exemple, Périco Légasse dans une interview, explique à quel point il était génial mais termine son propos en disant “il était plus écrivant qu’écrivain…”. Comme si Gonzague était un chic type qu’on aime bien inviter aux soirées mais qui doit tout de même rester à sa place. J’ai été triste de cette remarque surtout venant d’un journaliste qui n’a écrit que 5 ouvrages…culinaires ! Le nombre de ses lecteurs prouvent, s’il en est besoin, qu’en tant qu’écrivain il se pose là ! Gérard Collard en parle très bien dans une de ses chroniques.

Il fut un personnage pittoresque, un conteur hors-pair, déclamant ou racontant les histoires de l’Histoire comme personne et il a donné à certains le goût du livre, de la lecture, de la curiosité. Il aimait la démeusure, la grandiloquence, la folie et l’admiration.

Et puis n’oublions pas qu’il fut le créateur de “La forêt des livres” à Chanceau-près-Loches, dans sa région de coeur, où chaque été durant 22 ans, il fait venir dans une forêt domaniale, plus de 150 auteurs à la rencontre d’un public fidèle et nombreux. Depuis sa mort, ce festival est désormais appelé “Les écrivains chez Gonzague Saint Bris”.  Il disait à propos de ce festival “les livres sont issus des arbres, il fallait que les écrivains reviennent avec l’hommage de leurs feuilles”.

Gonzague aimait les autres, véritablement. Il aimait mettre en valeur les talents et il savait si bien s’effacer derrière eux, contrairement à ce qu’en dit la légende… Il a également beaucoup oeuvré (et on le sait trop peu) pour ceux qui étaient dans la difficulté. Il a apporté son aide dans l’ombre sans jamais rien en dire. Il avait un sens aigu de l’amitié, ceux qui ont dîné avec lui dans son incroyable appartement parisien s’en souviennent encore. Gonzague parlait très peu de lui. Vous pouvez chercher dans toutes les interviews, tous les écrits le concernant, vous ne trouverez pas un instant où il se raconte. A peine dans un livre sur son enfance “Les vieillards de Brighton” (Chez Grasset) où il romance son enfance pour ne pas en dire trop. Vous ne savez rien de Gonzague !! parce qu’il a beaucoup parlé mais ne s’est jamais véritablement livré. 

Je pourrais vous écrire des pages et des pages sur cet homme atypique que la vie subjugue, mais je ne peux que vous enjoindre de le lire avant tout et de lui rendre un peu de ce qu’il nous a donné. N’oublions pas Gonzague Saint Bris !

“Ceux qui considèrent que la mélancolie est une bêtise, n’ont pas besoin de réfléchir beaucoup” (Le romantisme absolu).

“C’est quoi l’amour ? Une fulguration ? Une sublimation ? Une reconnaissance réciproque, soudaine et silencieuse ? Un éblouissement ? La certitude qu’on vient de décacheter le flacon du parfum du bonheur ? Le moment le plus beau, c’est quand enfin l’alliance relaie l’éclat du désir et tient les promesses de la passion. Cet instant parfait destiné à durer une éternité, je l’appelle « Le Romantisme absolu”. (Extrait de son éditorial à l’occasion du 30e Festival du Film de Cabourg – 2016).

“On croit que les Renaissances sont nées dans des périodes fastes, mais en fait les renaissances sont toutes nées dans des périodes difficiles, des périodes de crise. On ne peut pas nier qu’on est dans une période de crise, et on ne peut pas nier non plus qu’une renaissance est possible”. (Interview LeProg 2015).

“Lors de mes vagabondages dans les verdures éternelles j’avais l’impression de lire l’univers et la forêt était pour moi la plus belle des bibliothèques.” (L’enfant de Vinci)