Questions livres avec…. Henri Loevenbruck !

Ce 21 octobre est sorti le 3e opus tant attendu, des aventures de Gabriel Joly, dans la série « du Loup des Cordeliers » un roman policier historique dont l’intrigue se passe sous la Révolution, mais pas que…Henri Loevenbruck est un couteau suisse, tout ce qu’il touche est création ! musicien, écrivain, journaliste…un surdoué de la matière qu’il sait transformée avec habilité.

Pour Littéram, il a eu la gentillesse de bien vouloir répondre à quelques-unes de mes questions que je partage avec vous ici, mais avant toute chose, si vous ne connaissez pas Henri Loevenbruck, courrez acheter ses romans qui sont de très jolies pépites, toujours très bien écrites et je vous promets qu’une fois votre lecture commencée, vous ne lâcherez plus son livre…bonne découverte à vous donc !

Je vous ai “rencontré” avec votre roman Nous rêvions juste de Liberté, qui m’avait terriblement émue et marquée. Cette histoire était particulièrement bien écrite et m’a permis de découvrir une partie de votre univers. Je dis “une partie”, car votre univers est vaste, entre musique et écriture… Vous sortez actuellement L’Assassin de la rue Voltaire, troisième opus des Enquêtes de Gabriel Joly, l’histoire de ce jeune journaliste débarquant à Paris et se trouvant au cœur d’une histoire dans l’Histoire, celle de la Révolution française. Cette fresque est légèrement différente de ce que vous avez écrit auparavant, bien que le mystère et l’aventure soient un point commun. Comment est née l’idée de Gabriel, que l’on voit “grandir” entre le 1er et le 3e opus ?

Je m’étais déjà essayé au polar historique il y a dix ans avec « L’Apothicaire », dont l’action se déroulait au XIVe siècle, entre Paris et Compostelle. C’est un livre que j’avais pris beaucoup de plaisir à écrire et, après plusieurs polars contemporains, j’avais envie de revenir à cette famille littéraire, tout en rendant hommage au roman feuilleton populaire, un peu à la façon d’Alexandre Dumas ou de Paul Féval. Quand j’en ai discuté avec Bernard Fixot, pétillant patron des éditions XO avec lequel j’avais envie de travailler depuis près de vingt ans, nous avons très vite songé que la Révolution française était un cadre idéal pour un tel projet, non seulement parce que c’est un contexte mouvementé, riche en rebondissements, mais aussi parce que c’est un épisode essentiel de l’histoire de notre pays, pour ne pas dire fondateur de notre République. Je m’y suis donc jeté à cœur perdu, en compulsant d’abord une somme considérable de documentation chez moi ou en bibliothèque, pour mieux comprendre ce tumultueux chapitre de l’histoire de France, puis en travaillent avec trois historiens spécialistes de la période, qui m’ont beaucoup appris et m’ont aidé à envisager la Révolution avec un regard plus objectif et plus global. C’est, à l’évidence, un sujet bien plus complexe que ce que peut nous laisser entrevoir le peu de temps que nous avons à lui consacrer à l’école, mais, surtout, je me suis rapidement rendu compte que c’était un matériau extraordinaire non seulement pour les romans d’aventure que je voulais écrire, mais aussi pour éclairer l’époque que nous traversons dans le monde entier depuis quelques années. Finalement, que l’on situe son action dans le passé ou dans le futur, on finit toujours, dans un roman, par parler du temps présent. Ici et maintenant.

L’histoire est un projecteur formidable qui permet de voir notre quotidien sous un angle différent, de se poser les bonnes questions sur l’avenir. La révolution, c’est beau, c’est parfois indispensable, mais que se prépare-t-on après ? L’histoire est souvent là pour nous indiquer les erreurs à ne pas répéter... Quant à Gabriel, j’ai longuement hésité à utiliser un personnage historique pour incarner mon héros, comme Camille Desmoulins ou Théroigne de Méricourt, qui me fascinent l’un et l’autre (et qui figurent en bonne place parmi les personnages secondaires de la série), mais cela m’eût limité dans mes choix scénaristiques, dans ma liberté d’imagination. J’ai donc inventé ce jeune homme, un jeune provincial brillant, sagace, que je voulais absolument journaliste et amoureux de la vérité, car rien ne me préoccupe plus aujourd’hui que le détournement de l’actualité, la manipulation, le complotisme qui pullulent sur les réseaux sociaux : il est grand temps que certains de nos concitoyens réapprennent à faire confiance aux journalistes, car l’information est un métier, et qu’ils ouvrent les yeux sur les dégâts immenses qu’engendre chaque jour la désinformation qui fleurit sur les Facebook et autres Twitter. Petit à petit, de livre en livre, respectueux du roman d’apprentissage du XVIIIe siècle, je raconte l’initiation de Gabriel, la maturité que lui apportent ses succès et ses échecs, ses joies et ses blessures. Dans sa première enquête, « Le Loup des Cordeliers », c’est un jeune homme idéaliste, un peu nigaud par moments, puceau évidemment, et dans la troisième, « L’Assassin de la rue Voltaire« , ce n’est déjà plus le même homme. Le deuil et la colère sont passés par là. Il va devoir apprendre à se relever, à vaincre la rancœur, à maîtriser ses passions, bref, à aimer la raison, à aimer la sagesse. À philosopher.

Les femmes dans votre récit sont “hautes en couleurs”, dans une époque plutôt difficile pour elles. Quelles femmes vous ont influencé pour ce roman ? Avez-vous étudié les figures féminines de cette époque ?

La principale leçon que j’ai tirée de mes longs mois de recherche sur la Révolution française, c’est à quel point elle fut un rendez-vous manqué pour la condition féminine. Tout aurait pu, tout aurait dû changer à ce moment-là. Tout était réuni pour que la vague révolutionnaire permette aux femmes de s’émanciper, elles aussi. Ça n’a pas été le cas. Les femmes ont pourtant été très actives pendant la Révolution, parfois en première ligne aux journées les plus dures, et nombreuses se sont battues pour faire entendre leurs revendications les plus légitimes, depuis les cahiers de doléance des États généraux, en mai 1789, jusqu’aux marches sur Versailles. On ne les a pas entendues, et les grandes mutations que la Révolution a apportées ont profité principalement aux hommes, pour ne pas dire à la bourgeoisie masculine…  

À la fin du XVIIIe siècle, les femmes sont encore assujetties à leur père ou à leur époux ; elles n’ont pas droit à la même éducation que les hommes, elles n’ont pas droit à l’indépendance financière, au divorce, elles n’ont pas accès aux charges honorifiques de la société et, bien sûr, elles n’ont pas le droit de voter. Malgré les grandes avancées morales et philosophiques insufflées par les Lumières, la femme reste un citoyen de second ordre, y compris sous la plume des rénovateurs de la pensée que sont les Encyclopédistes, les Diderot et les Voltaire : on les dit gracieuses, fines et délicates, douées pour les arts, mais trop fragiles, et nettement inférieures par l’esprit et l’intelligence… Le grand Condorcet, pour lequel j’ai une admiration infinie, est quasiment le seul de son temps à s’indigner de l’inégalité entre les sexes et si, aux débuts de la Révolution, on intègre les femmes dans le combat, très vite, on les écarte du terrain politique, on finit même par leur interdire l’entrée dans les clubs, et on tourne en ridicule leurs revendications.

La Révolution terminée, les femmes n’ont presque rien gagné. Elles n’ont toujours pas le droit de vote. Fichtre, elles ne l’auront qu’en avril 1945 ! Quand je rappelle à ma fille que ses grands-parents sont nés dans une France où les femmes n’avaient pas cette liberté, j’en frémis de honte. C’était hier ! Ce fut, à mon goût, le plus grand échec de la Révolution française, et j’avais donc envie de rendre hommage à toutes ces femmes, connues ou inconnues, et en particulier à celle qui a ma préférence, Anne-Josèphe Terwagne, dite Théroigne de Méricourt, qui n’a pas aujourd’hui la même célébrité qu’Olympe de Gouges, mais qui me touche encore davantage, par son parcours, ses origines, les drames qu’elle a connus et la fougue dont elle a fait preuve au combat…
I love Terwagne.

Ayant un penchant pour les arrière-cuisines, j’aime tremper mes doigts dans les casseroles… dans le “savoir-faire” ! Pouvez-vous nous raconter quelles sont vos petites manies d’écrivain ? Écrivez-vous plutôt le matin ? Le soir ? Avez-vous des rituels ? Écoutez-vous de la musique ? Utilisez-vous un dictaphone et tapez-vous vous-même vos manuscrits ?

Depuis 23 ans que je fais ce métier, j’ai publié une vingtaine de romans, soit un peu moins d’un roman par an. Ma façon de travailler n’a pas beaucoup changé depuis lors, elle s’est juste un peu perfectionnée, je l’espère, avec l’expérience, mais elle reste fidèle à la méthodologie héritée de mes études littéraires : on m’y a appris à passer autant de temps à préparer mes textes qu’à les écrire. Ainsi, mon travail se divise en deux périodes distinctes, qui me prennent chacune en moyenne six mois : la préparation et l’écriture du texte. La première période est consacrée à la rédaction de deux documents, un synopsis détaillé, d’une trentaine de pages, où je façonne longuement le squelette du roman, chapitre par chapitre, en le modifiant sans cesse jusqu’à ce que je sois satisfait de la structure, et une bible exhaustive d’une centaine de pages, où je consigne l’histoire des personnages et leur apparence, la description des principaux lieux et, bien sûr, toutes les notes prises lors de ma documentation. Pendant cette période préparatoire, il m’arrive de prendre des notes à la main sur des petits carnets quand je ne suis pas chez moi et, en effet, de m’enregistrer sur mon téléphone quand je visite un lieu, pour garder la trace des odeurs, des bruits, des couleurs, de l’atmosphère… En vérité, c’est la phase la plus amusante, car elle m’entraîne souvent à voyager, à rencontrer des spécialistes, à visiter des monuments où l’on m’ouvre parfois aimablement les portes fermées au public, mais c’est aussi celle où, au grand désespoir de mon entourage, je suis complètement dans la lune, sans cesse en train de réfléchir à mon histoire, dont la construction m’obsède du matin jusqu’au soir. Il m’arrive d’être si absorbé par ces explorations dans mon imagination que je ne reconnais même pas un ami que je croise dans la rue, ou que je n’entends pas celui qui me parle… Maudit sois-je. Ensuite vient la deuxième période, celle de l’écriture du roman proprement dit, et c’est alors bien plus studieux, plus routinier : je m’enferme dans mon bureau entre huit et dix heures par jour, souvent jusque très tard le soir, et je tape sur le clavier de mon ordinateur, en n’ayant plus à penser qu’à la forme du texte, au rythme de la phrase, au mot le plus juste, tout le reste étant déjà prêt… Pendant ces longues heures en ermite, j’écoute en effet de la musique, exclusivement instrumentale car les paroles me déconcentreraient trop, et j’ai une petite manie amusante que je vous confie volontiers : le soir, quand l’heure d’arrêter est venue, je m’arrête au milieu d’une phrase. C’est une technique très efficace pour lutter contre l’oisiveté : le lendemain, comme j’ai horreur de ce qui n’est pas fini, je me jette sur mon ordinateur pour terminer ma phrase ! Parce qu’il ne faut pas se mentir : même si j’ai la chance immense de faire le métier dont je rêvais et que pour rien au monde je n’en changerais, il y a des jours où, comme tout le monde, je n’ai pas envie d’aller bosser !

Vous avez exploré plusieurs univers, le polar, le thriller, la fantasy, le roman contemporain… Comment et pourquoi revenir au roman historique ? Quel sera le prochain univers ?

La peur de l’enfermement et de la lassitude, l’angoisse d’être catalogué m’ont poussé à naviguer aussi souvent que possible dans des eaux différentes. Mais, en réalité, bien que je sois un grand amateur des littératures de genre, je n’ai jamais pensé que le genre d’un roman en faisait l’essentiel : pour moi, l’essentiel d’un roman, ce sont les personnages, ce qui les lie entre eux et ce qui nous lie à eux. Le genre dans lequel on choisit d’inscrire son roman influe certes sur le style qu’on emploie, sur le décor et l’époque dans lesquels nos personnages évoluent, sur les images visuelles que le lecteur gardera en mémoire, mais cela n’a jamais été le principal pour moi.

Ce qui m’importe, c’est que mes personnages, ce qui leur arrive et ce qu’ils en font puisse toucher les lecteurs, les émouvoir, les amuser et parfois les inviter à réfléchir, un peu. Ce qui n’enlève rien au plaisir que j’ai à embrasser gaiment les codes de ces différentes littératures, à adresser des clins d’œil aux lecteurs en glissant ici et là des hommages à tous ces livres qui, peut-être, habitent aussi leur mémoire. Au fond, quand je m’amuse à imiter respectueusement Alexandre Dumas, Agatha Christie, Umberto Eco ou Paul Féval, j’ai l’impression de faire avec mes lecteurs ce que l’on fait avec des amis d’enfance quand on se remémore ses plus beaux souvenirs.

Quant au prochain roman, je vais faire une courte pause dans la série des Enquêtes de Gabriel Joly pour, justement, aller m’aventurer dans un genre que je n’ai jamais vraiment abordé, qui, lui aussi, a hanté mon adolescence, et que j’appellerais volontiers le roman d’enquête et d’épouvante, quelque part entre Edgar Allan Poe et Howard Phillips Lovecraft… L’action se situera en 1925 sur une petite île anglo-normande, entre Jersey et Guernesey, sous les brumes inquiétantes de laquelle un couple d’enquêteurs sera confronté à une série de disparitions inexpliquées. Je prends un immense plaisir à travailler dessus, à créer cette petite île mystérieuse et ses personnages inquiétants, et je vais me régaler à restituer l’esprit fascinant des années 1920. Ensuite, je reviendrai à Gabriel Joly, pour lequel il me reste bien des histoires à raconter…

Les personnages de vos romans ont tous un caractère bien trempé, les descriptions que vous en faites les rendent très vivants et leur donnent beaucoup de relief. Votre longue pratique des jeux de rôle a-t-elle influencé votre écriture ?

Très certainement, même si j’écrivais déjà à l’âge de dix ans, et que je n’ai découvert les jeux de rôle qu’à treize ans. En 1985, l’un des amis de ma sœur aînée, lors de vacances en Bretagne, m’a initié à Donjons & Dragons, et cela a été pour moi une immense claque, une révélation, pour ne pas dire une épiphanie ! À peine le premier dé à vingt faces tombé sur la grande table où nous étions assis pour vivre ensemble des aventures imaginaires et incarner des personnages intrépides, j’ai compris que ce jeu était fait pour moi, car il donnait un pouvoir infini à l’imaginaire, nous permettait de devenir pendant quelques heures les héros de nos propres romans, tout en faisant la part belle au partage et, surtout, au rire : je crois que je n’ai jamais eu de plus grands fous rires que ceux qui m’ont fait me tordre de douleur sur une table de jeu de rôle. Trente-six ans plus tard, je continue de jouer presque toutes les semaines (tantôt avec mes enfants, tantôt avec des confrères écrivains), principalement à L’Appel de Cthulhu, inspiré, justement, de l’œuvre de Lovecraft, et j’y trouve chaque fois le même plaisir.

Pendant toutes ces années, j’ai presque toujours fait office de « maître de jeu », à savoir celui qui, autour de la table, construit l’univers dans lequel se passe l’aventure que vont vivre les joueurs, et qui leur décrit au fur et à mesure les événements auxquels ils doivent faire face. Cette longue pratique a été incontestablement une école formidable pour la conception d’histoires, pour l’apprentissage du rythme narratif (comme pour un joueur, il n’y a rien de pire qu’un lecteur qui s’ennuie…) et pour le développement de l’imagination quand, soudain, un joueur décide de prendre une direction que vous n’aviez pas du tout prévue… Je ne crois pas que cela m’ait vraiment aidé dans la description de mes personnages, mais dans la conception et le rythme de mes synopsis, c’est certain. Et nous sommes nombreux dans ce cas, comme les auteurs avec qui je joue tous les quinze jours, Maxime Chattam, Niko Tackian, Olivier Bal, Nicolas Lebel, Alexis Laipsker, Fabrice Mazza, mais aussi de nombreux comédiens, et de grands cinéastes comme Guillermo del Toro…

Vous êtes aussi musicien, qu’est-ce que la musique apporte à votre écriture ? Allez-vous revenir à la musique ?

La musique, en effet, a toujours été présente dans ma vie, en tant que mélomane, mais aussi en tant que musicien : je joue du piano depuis l’âge de huit ans, j’ai écrit les textes et les musiques d’une bonne centaine de chansons, j’ai joué du clavier dans de nombreux groupes, j’ai chanté, j’ai participé à plusieurs projets musicaux, travaillé sur un album de Renaud, etc… La musique est une passion pour moi, et elle m’apporte des plaisirs différents qui viennent compléter ceux de mon métier d’écrivain. Les concerts m’apportent le plaisir du contact avec le public, le partage et l’énergie qu’il vous porte au moment même de la création, ce qui n’est pas le cas avec le roman, dont on ne rencontre les lecteurs qu’une fois qu’il est achevé… En revanche, l’écriture d’une chanson est une pratique totalement différente de celle du roman, et je ne crois pas que, chez moi, l’une ait impacté l’autre… Enfin, oui, je reviens toujours à la musique, je ne la quitte jamais vraiment, et je travaille depuis trois ans à l’écriture d’une comédie musicale, qui ne verra probablement pas le jour avant une dizaine d’années… C’est, depuis longtemps, le projet artistique qui me tient le plus à cœur.

Vos influences sont diverses, mais quel est l’auteur qui vous a donné des ailes pour écrire ? Quelle est la rencontre qui a le plus compté pour vous dans votre vie d’écrivain ?

La liste est longue ! La rencontre la plus importante de ma vie fut d’abord, à quinze ans, celle de Fabrice Mazza, cet ami qui est devenu mon frère d’âme, mon complice, sans lequel je ne serais certainement pas devenu qui je suis, et avec lequel, trente-cinq ans plus tard, je continue de rêver, d’inventer des histoires, d’imaginer des projets et d’aimer la vie. Pour ce qui est plus spécifiquement de ma carrière, les deux auteurs qui m’ont le plus donné l’envie de faire de l’écriture mon métier, dès mon adolescence, étaient sans doute Alexandre Dumas et Stephen King. Ceux qui ont le plus influencé mes premiers romans publiés étaient indéniablement J.R.R. Tolkien et Umberto Eco. Mais celui qui m’a donné envie de toujours mieux faire, d’aller plus loin dans mes romans, de m’y livrer davantage, et qui m’a poussé à donner plus d’importance à la forme que je n’en accordais auparavant, en me faisant comprendre à quel point, quand elle était au service du fond, elle pouvait décupler l’émotion qu’un roman procure, ce fut incontestablement Romain Gary. En ce sens, la rencontre qui a le plus compté dans ma vie d’écrivain fut sans doute celle avec ses romans, et en particulier ceux qu’il a écrits sous le nom d’Émile Ajar. Mais il y a aussi eu, bien sûr, des rencontres humaines décisives, comme celle avec Jacques Guérif, directeur du lycée et professeur de français qui, en seconde, m’a probablement sauvé la vie en étant le premier à comprendre qu’il fallait, pour ce faire, me pousser dans la voie de la création plutôt que me couper les ailes.

Ensuite, il y a eu les auteurs de SF français que je fréquentais en tant que journaliste à la fin des années 1990, comme Serge Lehman, Ayerdhal ou Pierre Bordage, dont la bienveillance m’a donné le courage de soumettre mes œuvres de fiction à des éditeurs. Puis il y a eu Charles-Henri Flammarion, qui m’a ouvert en grand les portes de sa maison d’édition pour y publier mon premier polar, et qui m’a accompagné, discrètement, vers la vie dont je rêvais, en me permettant de vivre exclusivement de l’écriture. Enfin, il y a trois ans, Bernard Fixot, mon nouvel éditeur, m’a permis de prendre, à presque cinquante ans, une nouvelle direction, où je m’épanouis pleinement, renouant avec un plaisir d’écrire qui s’était quelque peu érodé… En somme, j’ai eu, toute ma vie, une chance insolente. J’ai dû être un type vraiment sympa dans une vie antérieure ! 🙂

Merci beaucoup pour votre gentillesse et votre disponibilité. J’ai tellement hâte de vous lire encore !