


On connait tous Arsène Lupin, mais qui connait Maurice Leblanc son créateur ??
Cet écrivain qui, toute sa vie, voulait être Maupassant sinon rien et qui finalement fut le génial créateur d’Arsène Lupin, à l’instar d’un Conan Doyle et son Sherlock.
Je vous invite à découvrir Maurice Leblanc et sa drole de vie…
https://audioblog.arteradio.com/blog/171172/podcast/175109/maurice-leblanc-l-oublie-d-arsene-lupin#

En Septembre 2020, Sylvain Tesson et ses amis voulurent rendre hommage à Maurice Leblanc en grimpant tout en haut de l’aiguille creuse où ils déposèrent une plaque-hommage ainsi gravée « vive le primesaut de France ». Et il publia dans Le Figaro, le texte suivant, que je ne résiste pas à vous livrer ci-dessous. L’esprit de liberté et d’insoumission que « l’Aiguille creuse » de Maurice Leblanc contribua à forger est bel et bien vivant ! Puissions-nous, nous en inspirer !
L’APPEL DE L’AIGUILLE
POUR LE PRIMESAUT DE FRANCE !
Quelle force s’est acharnée à nous rendre si tristes, nous, Français ?
Le monde a parfois considéré la France comme la patrie de la légèreté universelle.
Un proverbe disait : « Heureux comme Dieu en France. »
Pourquoi sommes-nous devenus si méchants et à ce point moroses ?
Les temps sont durs, nous le savons. Ils l’ont toujours été.
C’est précisément dans la peine que la gaieté est cruciale.
Cet appel n’est pas une lubie d’enfant gâté, mais une supplique.
Résumons le début du siècle XXI.
Chacun, devant l’écran ou derrière son masque (c’est la même chose) surveille son voisin.
On connaît ses droits, on se pense offensé. On signale, on assigne,
on exige réparation. On se censure puisqu’on s’épie. Le langage est régenté.
Un bon mot s’appelle une discrimination.
Quelques-uns s’emploient à tout réinventer. La forme des villes, le visage des paysages,
la substance de la langue, les vieux modes de vie, les livres d’histoire.
Terra Nova et novlangue, disent-ils ! Résultat : un infralangage de manageurs,
un ordre techno-moral et plus personne pour chanter à table
après les repas de famille. Quel chantier, quel pensum !
Chacun se sent malheureux. On pense la France l’antichambre de l’enfer.
On connaît mal le Soudan.
Voilà pour le tableau. Il est moins vivifiant qu’un Monet maritime.
Nous sommes quelques-uns à ne pas aimer ces maussaderies.
Nous leur préférons l’électricité d’Arsène Lupin et l’esprit de l’aiguille creuse.
Le héros de Maurice Leblanc ne voulait pas changer le monde, ni trouver des
coupables. Au sommet de l’aiguille blanche, il se gaussait des idées creuses.
Il moquait les vieilles barbes, échappait à l’enfermement. Il défiait les ordres
Poussiéreux mais n’imposait rien par la violence, ni par l’esprit de sérieux, poison
suprême. Rebelle et poli. Il chantait le « primesaut », autre nom de la gaieté,
et célébrait les rois qui savaient s’amuser.
Il y avait en lui l’anarchiste et le seigneur féodal.
Par le primesaut il faut entendre la fantaisie du style, l’amour de la liberté, l’absence
du ressentiment, le goût des belles choses. Le contraire du primesaut, c’est la vie sans
la joie telle que la concocte l’administration psycho-sanitaire « pour votre confort et votre sécurité ».
Le primesaut est notre trésor perdu : la désinvolture et la longue mémoire.
L’essence de la France se tient peut-être là :
dans la rencontre des gravités publiques et des gaietés privées.
Nous autres, qui aimons les aiguilles, nous ne manifestons pas, nous ne revendiquons rien.
Nous faisons attention à ne pas faire tomber les pierres.
Nous vénérons ce qui est plus ancien que nous, ce qui demeure et ce qui domine.
Nous préférons la liberté à la sûreté, les nostalgies personnelles aux promesses globales.
Nous voudrions aimer, boire et chanter sans que la puissance publique nous
indique comment vivre, sous quel masque nous cacher, de quoi nous repentir et comment nous exprimer.
Nous aimons les aiguilles parce qu’elles sont des refuges, comme les Patagonies,
La colonne des stylites, certains jardins, quelques musées et les tablées d’amis.
Les strates des parois d’Etretat trahissent la profondeur des temps :
accumulation de la mémoire. Les silex sont coupants : esprit d’insolence.
Le soleil frappe l’ombre : gaieté de plein vent. La mer les barate, jamais fatiguée :
énergie vagabonde. Elles se tiennent debout, postées devant le large, le dos tourné :
distance polie. En leur sommet, on y respire bien, on y dit ce que l’on veut, et la vue
porte loin : liberté vitale. Iode, azur, photon : devise de notre royaume.
Les aiguilles sont belles car intouchées par l’Administration et conservées
par le temps. On y est libre de déclarer son amour à la France, à la gaieté,
aux amis, à l’art, aux bêtes, à l’aventure. Elles s’écroulent un peu,
mais elles tiennent bon contre la gravité !
Il faut connaître ses aiguilles, les rejoindre,
Se tenir debout sur leur fine pointe, quand l’air devient épais.
Que les vieilles aiguilles crèvent les nouvelles baudruches !
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Sources :
Jacques Derouard : « Dictionnaire d’Arsène Lupin » et « Le Monde d’Arsène Lupin »
Franck Ferrand : « Au coeur de l’histoire »
Georges Delerue : « Arsène Lupin, joue et perd »