« Ceux qui restent » – Jean Michelin

Cherchant une lecture, j’ai trouvé ce livre à la « Librairie des Volcans », au hasard des rayons…je me laisse souvent guider par mon instinct, car je sais qu’il fait bien les choses et qu’il me donnera à lire ce dont j’ai besoin, à l’instant où j’en ai besoin… Je me suis d’abord arrêtée sur l’éditeur. Les Editions Héloïse d’Ormesson est une maison que j’aime beaucoup. Je suis rarement déçue et j’aime leur ligne éditoriale qui consiste à éditer moins, mais à éditer bien ! Ils offrent un large panel d’auteurs tous aussi différents les uns que les autres. C’est une maison qui propose une littérature de qualité et dont, il me semble que les caractéristiques en sont souvent des projets qui subliment l’humain… mais bref… voici donc ce que je retiens de « ceux qui restent » de Jean Michelin. Je ne peux que vous conseiller cette belle lecture…

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Stéphane tente de refaire sa vie dans le civil…ancien militaire, il vient de quitter l’armée pour vivre tranquillement auprès de sa femme Mathilde et de leur fils Guillaume. Puis soudain, on vient le chercher, le caporal-chef Lucien Guyader (dit “lulu”) a disparu. Aurélie, la femme de lulu est désemparée, la vie de militaire, elle toujours eu beaucoup de mal à s’y adapter, surtout maintenant que Mathis est né. Mais où est Lulu ? que lui est-il arrivé ? comment a-t-il pu disparaître comme ça ? Sur un coup de tête, laissant sa voiture, son téléphone…

Stéphane connaît bien lulu, il a fait 20 ans de carrière près de lui, touché par cette disparition, il accepte de suivre ses frères d’armes pour aller chercher lulu. Ensemble, ils montent une petite équipe informelle pour aller chercher leur camarade de combat.

Cette enquête pourtant sera difficile, faisant remonter en surface, les traumatismes et les douleurs de chacun. Partir chercher lulu, c’est aussi remuer le passé, un passé que tout militaire à la retraite tente difficilement d’oublier. Mais on n’oublie jamais vraiment la guerre…

Finalement, on se côtoie, on frissonne, on avance ensemble, mais se connaît-on vraiment ? Qui est vraiment Lulu ? qu’a-t-il voulu fuir ? Ses frères d’armes vont le découvrir en allant le chercher et ce faisant c’est non seulement lulu qu’ils vont chercher, mais également réparer leurs blessures…

Ce livre est d’une incroyable humanité. Il permet de comprendre au plus près ce que vivent les militaires à leur retour de mission. Ce qu’ils taisent, mais qui les hante chaque jour, chaque nuit. Mais aussi ce que vit leur famille. Leurs femmes souvent seules qui apprennent à vivre « avec » et à vivre « sans ». La thématique principale de ce roman est « le retour ». Que se passe-t-il pour un soldat lorsqu’il rentre ? Lorsqu’il revient à une vie plus normale, plus quotidienne ? 

Mathilde, la femme de Stéphane dit « c’est les retours qui sont durs » parce qu’elle sait que Stéphane reviendra avec ses traumas, ses blessures d’âme et qu’il faudra le soutenir, accepter ses silences, ses « absences »… comme toutes les femmes de militaire…

J’ai beaucoup aimé ce roman qui m’a laissé « sonnée » et empathique. Bien sûr on connaît les militaires, du moins ceux qui reviennent dans une boîte en bois et qu’on célèbre au Panthéon…mais que sait-on de ceux qui reviennent chez eux sans dire un mot ? Il faut lire ce livre pour le comprendre, du moins pour tenter d’en approcher une certaine vérité… parce que chaque vérité est différente d’un soldat à l’autre…chacun vit avec son mystère, son silence et ses failles.

Jean Michelin est officier de carrière, autant dire qu’il sait de quoi il parle ! Non seulement ce livre est bien écrit, mais par ailleurs, il nous évite les clichés faciles sur la camaraderie empreinte d’une testostérone à la Rambo…bien au contraire, il s’agit là d’humanité, d’émotion, de sentiment et de sensibilité. Cette sensibilité que l’image d’Épinal interdit au sein de l’armée, mais qui pourtant est une corde qui vibre en chacun de ses hommes. C’est un roman sans concession sur les conséquences de la guerre, sur des hommes à qui on demande un stoïcisme sans borne et sur des femmes dont le métier est d’attendre…. À ceux qui partent, à ceux qui ne reviendront pas et à ceux qui restent.

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« Je me suis senti un peu triste, loin de chez moi, à moitié saoul, à écouter ma femme et mon gamin poursuivre leur vie sans moi. C’est elle la femme de devoir, c’est elle le soldat. Moi, je suis un guignol embarqué dans une mission trop grande pour lui ».

« C’est les retours qui sont durs, vous savez, plus que les départs. Chaque fois, mon mari est rentré un peu plus seul, un peu plus en colère, un peu plus triste. Surtout les dernières années quand… ». Elle s’interrompit, le souffle suspendu, en quête du mot juste. « Quand tout est devenu plus tragique. On sait que c’est pas facile pour vous, mais personne ne nous demande comment c’est pour nous. Nous, on n’a pas de médaille à la fin, on se débrouille, mais c’est dur aussi. Surtout avec des enfants. « 

« Ceux qui restent » – Jean Michelin. Ed. Héloïse d’Ormesson (2022)

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