

Attention, Un Fouassier peut en cacher un autre et inversement !! Luc-Michel est le frère d’Eric !! (oui oui celui-là même qui a écrit “le bureau des affaires occultes” ed. Albin Michel, voire ma chronique…) Autant vous dire que l’écriture est une affaire de famille avec ces deux-là !
Portez-vous des pantoufles ou, comme moi, vous préférez le contact du sol avec des chaussettes, voire pieds nus ?? Luc-Michel Fouassier m’a pourtant convaincue de l’utilité de la pantoufle à travers son livre “les pantoufles” (Ed Folio-Gallimard) justement ! où comment changer son regard sur le monde en traversant un instant de sa vie en pantoufles !! Luc-Michel nous offre dans ce petit roman, un pas de côté face à une morosité ambiante qui plombe nos foulées quotidiennes et je dirai également, face à une globalisation de l’esthétique ! Autant vous le dire tout de suite : cet homme n’écrit pas avec les pieds !!
J’ai tout de suite eu de la sympathie pour cet auteur !! Allez savoir pourquoi ! Mais quelqu’un qui décrit aussi bien les petites choses insignifiantes de la vie avec un petit côté “Monsieur Hulot”, je trouve ça particulièrement touchant !
“Les pantoufles”, c’est l’histoire d’un homme qui claque la porte de chez lui pour aller au bureau et qui s’aperçoit qu’il a oublié ses clefs à l’intérieur, mais pire encore ! il est en pantoufles !! De là découle toute une histoire abracadabrante, mais tellement drôle, fine et pas si anodine qu’on ne le pense..
Luc-Michel Fouassier a eu la gentillesse de bien vouloir répondre à mes impertinentes questions, qu’il en soit ici remercié très amicalement ! et sinon j’suis dispo pour un café !
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Bonjour, Luc-Michel, je viens de terminer “les pantoufles” et j’en suis encore pantoise… Non seulement c’est drôle, mais pas que. Cet homme qui oublie ses clefs dans son appartement et sort de chez lui en pantoufles, on s’imagine tout de suite qu’il va aller dans la première boutique venue pour s’acheter une paire de chaussures, mais non !! Lui, il va traverser sa vie et les quelques jours qui suivent en pantoufles ! Dites-moi Luc-Michel, qui a-t-il de vous dans ce personnage un peu léger, mais très déterminé ??
Bonjour chère Florence. Vous me voyez ravi de vous avoir laissée pantoise… rien que pour le mot, un peu désuet. Le personnage de mon roman (paru en premier lieu aux éditions de l’Arbre vengeur avant d’être repris en poche Folio) représente un peu un idéal de comportement à mes yeux. Son côté détaché. Il laisse les choses glisser sur lui. Je trouve que c’est la meilleure manière de résister dans la vie aux enquiquineurs de tous poils. Je suis pour la résistance moelleuse. En cela, mon héros se rapproche de certains personnages de Jean-Philippe Toussaint, un de mes auteurs préférés, notamment son personnage « Monsieur » dans le roman du même nom. D’ailleurs, les vrais afiocionados de Toussaint auront repéré quelques clins d’œil ou hommage à « Monsieur ». Je m’efforce dans ma vie de tous les jours d’adopter un comportement similaire. C’est plus difficile qu’il n’y paraît.
Votre roman est écrit avec beaucoup d’élégance dans le verbe. Il n’est pas nécessaire d’être vulgaire pour être drôle, mais je dois dire que chez vous c’est particulièrement vrai. Comme si la langue faisait partie intégrante de votre récit. Le mot est toujours juste et bien choisi même quand il est un brin trivial (“peinard avec mes panards” ou encore “Aude se positionna en face de moi et commença à remuer du croupion…”). L’emploi du passé simple et l’incise d’un mot plus commun sont assez cocasses. Tout est question de rythme finalement. Cela m’amène à vous poser ces questions : comment écrivez-vous ? Dans quel lieu ? À quel moment de la journée ? Avec ou sans musique ?
Je suis toujours très attaché au style qui doit être au service de l’histoire. À un point même où, quand j’écris, j’envisage une histoire en fonction du style que je souhaite adopter. J’écris joyeusement, assis à un bureau (je rêve de pouvoir écrire allongé mais je n’ai pas trouvé encore le moyen de le faire vraiment à ma convenance !). Le moment ? Quand il faut. Et sans musique si ce n’est celle des mots, leur rythme, leur sonorité. D’où effectivement, l’emploi d’imparfaits du subjonctif, d’incises, de parenthèses, de contrastes soutenu/trivial.
Votre héros est en position de fragilité puisqu’il traverse sa journée en pantoufle ce qui le place irrémédiablement sous l’œil scrutateur de ses contemporains. Pourtant, loin de s’en offusquer, il en fait presque un jeu, une force, presque une marque de fabrique. Mais d’où vous est venue cette idée de roman ??
Je souhaitais un personnage qui se mette en marge mais fortuitement. Ce héros allait être un résistant, il allait s’opposer à la société, celle du paraître et du tout mercantile que nous vivons actuellement et qui ne me plaît guère. J’avais une vieille paire de pantoufles (par n’importe lesquelles, des charentaises !) qui traînait dans ma chambre. Mon regard a dû tomber dessus… j’avais l’élément déclencheur.
Lors d’un passage, votre héros croise un groupe, “la confrérie des farfelus”. Alors ceux-là, ils sont bien gratinés, mais tellement touchants et drôles. Ils ont le désir de réinventer le monde et proposent de faire leur réunion en pantoufles. Excellente idée ! Mais j’y vois là également beaucoup de nostalgie. Je me souviens avoir vu un reportage d’un homme vivant “comme au XIXe siècle” c’était assez cocasse. Êtes-vous un nostalgique ? Pourquoi faire intervenir ce groupe de farfelus dans votre récit ?
J’ai tendance à la nostalgie, c’est vrai. Mais dans le sens où ça me rassure. Et puis, au moins, avec le recul du temps, on peut faire le tri des évènements, des modes, des intérêts. L’avenir peut conduire à des erreurs, le retour en arrière, rarement. Quant à « la confrérie des farfelus », j’ai pensé que c’était nécessaire de montrer que mon héros n’était pas seul au monde à s’opposer de la sorte, sans conflit. C’était une manière d’apporter un peu d’espoir.
Ce que je relève dans votre récit c’est le besoin d’être subversif, mais tout en douceur… un décalage non conflictuel en quelque sorte. Pensez-vous que votre personnage est un révolutionnaire (en pantoufles) sans le vouloir ?? Quel serait alors son moteur ?
C’est exactement ça. C’est vrai que j’apprécie le subversif et plus généralement l’opposition. J’aime bien penser l’inverse de la majorité. Je me méfie beaucoup des foules agglutinées pour une même cause. Tous sous une même bannière, très peu pour moi !
Ce que j’aime dans votre livre c’est justement cet anticonformisme d’une élégance folle. L’impression qu’un dandy lance une mode malgré lui et d’une manière très flegmatique, presque anglaise. Il me semble que l’image la plus percutante est ce moment où il se fait moquer par ces ados à casquettes et que pour toute réponse il leur montre le nom de la station de métro “Cambronne” (Paris 15ème) tout est dit, mais rien n’est dit, encore faut-il avoir un peu de culture !! Qui a bien pu vous suggérer un tel personnage ??
Je l’ai déjà évoqué, « Monsieur » de Jean-Philippe Toussaint m’a inspiré mais aussi « Bartleby » de Melville, que je cite d’ailleurs dans le livre. « I would prefer not to »…
La petite histoire d’amour avec Anna, renforce le côté moelleux de la chose. Bref un roman tout en douceur, en subtilité et en drôlerie… De là à dire que l’amour c’est le pied…
C’est bien beau de résister, même en pantoufles mais, parfois, il est bon aussi de s’abandonner un peu… il y avait une volonté de ma part de relâcher la pression, je pense. Quoi de mieux que l’amour pour briser toutes les chaînes (bon, formule un peu clichée que je ne mettrai jamais dans un de mes bouquins !)
Encore quelques questions et je vous lâche les baskets…heu enfin…j’me comprends…
Que lisez-vous quand vous êtes en pantoufles ?
Des romans essentiellement, avec du style… Hélas, ils se font rares de nos jours où je vois de plus en plus de livres dont les phrases se bornent au fameux sujet-verbe-complément.
Buster Keaton a-t-il finalement adopté les pantoufles ?
Les pantoufles l’ont adopté en tout cas !
Avez-vous une idée pour votre prochain projet ? Sinon j’ai déjà le titre : “Les Moufles” ! et si vous avez besoin d’un coup de main…..
Un nouveau livre devrait sortir en 2024, toujours aux éditions de l’Arbre vengeur. Et puis, quelque chose se trame aussi avec un autre éditeur…
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« Je n’étais pas devenu l’Homme Invisible, mais l’Homme Silencieux…Je ne foulais plus le même sol que mes congénères, j’avançais en marge. À côté de mes pompes, en quelque sorte ».